Featured image of post Alix

Alix

La premiere grossesse de Manon

Comme vous l’avez lu dans le dernier post, l’idée d’avoir un enfant n’était pas simple à gérer pour moi. Donc, Manon, quand elle découvre qu’elle est enfin enceinte, elle panique un peu à l’idée de me l’annoncer et m’écrit une lettre qu’elle dépose sur mon bureau pour que je la découvre à mon réveil. Rien qu’en voyant la lettre, avant même de l’avoir lue, je savais de quoi il en retournait et j’avais le cœur qui battait la chamade, de stress. Je l’ai lu, ça ne m’a pas forcément calmé mais c’était tres touchant et délicat, il y avait une vraie volonté de me faire cette annonce avec un maximum de douceur pour m’aider à mieux accuser le coup.

Je l’ai toujours, pourtant elle date de 2022 et a déjà vécu 2 déménagements… mais malgré ma volonté d’être le plus transparent et honnête ici, je ne la partagerais pas avec vous, désolé. J’accuse donc le coup comme je peux et je reste distant vis-à-vis de la grossesse.

Manon a découvert qu’elle était enceinte la veille d’un RDV pour aider les couples qui ont du mal à avoir un enfant, afin de trouver des solutions médicales pour améliorer la situation. On explique au médecin lors de ce RDV qu’on a appris la veille qu’elle était enceinte, il trouve que c’est une excellente nouvelle et est sincèrement heureux pour nous.

J’ai surtout retenu qu’il y avait des photos incroyables de fœtus accroché dans son bureau… allez savoir pourquoi je me suis focalisé dessus…

Je ne rentre pas dans les détails, mais certains soucis de santés de Manon auraient dû compliquer naturellement la grossesse. Mais ça n’aura pas été le cas finalement !

On fait donc les premiers examens médicaux qui se passent plutôt bien et on nous dit qu’on ne devrait pas tarder à entendre battre le cœur.

Entre temps, on discute de commencer à l’annoncer officiellement, même si ça ne fait pas 3 mois. D’ailleurs, à ce moment-là, je ne comprenais pas trop cette règle, mais je reste prudent et je propose d’attendre un peu. On discute de quelques prénoms et, si c’est une fille, le prénom d’Alix retient notre attention. On a choisi ce prénom à la fois parce qu’on l’aime bien, mais aussi, en ce qui me concerne, parce que c’est grâce à une amie, Alice, que Manon et moi nous sommes rencontrés. (Bon, ok, je suis aussi un grand fan d’Half-Life, on ne se refait pas)

Malgré tout, on l’annonce à quelque membre de la famille, entre autres, mon frère et ma belle-sœur, elle-même enceinte de leur premier, ce qui implique que nos 2 enfants auront un âge tres proche, ce qui est plutôt cool pour des cousins dont les parents sont proches !

A ce moment-là, on sait aussi qu’on devra aller en France métropolitaine pendant 1 an, car Manon, qui a réussi un concours pour devenir cadre dans différentes écoles en France, vient d’être acceptée à celle de Lyon. Mon frère et ma belle-sœur habitent à Chambéry, tout comme mon père, ce qui représente moins d’une heure de route pour aller les voir ! En plus d’avoir des amis dans la région, on sait qu’on a de la famille juste à côté, pour nous, c’est vraiment idéal.

Manon est sur un nuage, elle commence à tricoter des couvertures avec la lettre « A » brodé dessus puis d’autres sans lettre.

On a une amie sage-femme, la femme d’un ami d’enfance duquel je suis tres proche, c’est donc naturellement qu’on se tourne vers elle pour tous les examens qui ne nécessite pas de voir obligatoirement un gynécologue.

Donc, apres ces fameuses visites obligatoires, on va voir cette amie pour un examen de routine et, lors d’une échographie, on n’entend pas le cœur, elle n’arrive pas le trouver. Or, à ce moment-là, on devrait déjà l’entendre. Elle nous dit de ne pas nous inquiéter, que ça arrive, tente par tous les moyens de nous rassurer, mais je vois chez Manon que le stress monte fortement.

Une fois à la maison, je vois qu’elle n’est toujours pas bien, Aurore, notre amie sage-femme n’a pas réussi à la rassurer bien qu’elle nous ait dit que ce n’était pas la 1ere fois qu’elle était confronté à cette situation, et que ça c’était toujours tres bien passé.

Quelques jours plus tard, Manon commence à ressentir une gêne dans le ventre. C’est une douleur inhabituelle mais il peut être normal pour une femme enceinte d’avoir des douleurs, donc, elle ne s’inquiète pas trop jusqu’à ce qu’elle commence à avoir des pertes de couleur marron… et là, c’est un peu plus que de la panique.

Je ne l’ai peut-être pas précisé, mais Manon travaille à ce moment-là dans un hôpital publique en Nouvelle-Calédonie, elle est faisant fonction de cadre de nuit et s’occupe, entre autres, des urgences. Elle m’explique qu’elle aimerait aller aux urgences mais qu’elle n’a pas envie d’être jugé par ses collègues ni que ses collègues ne la voient dans un sale état si ça devait être grave.

Il y a un hôpital privé, un peu plus loin de chez nous, avec des urgences gynécologiques. On y va et elle est prise en charge par un médecin qui confirme que quelque chose n’a pas l’air d’aller comme il devrait, car le fœtus a l’air de se décoller de la paroi utérine, et quand ça arrive, ce n’est pas bon signe du tout.

Elle est renvoyée vers le gynécologue de garde. Celui-ci a un certain franc parlé qui plait beaucoup à Manon et qui, étrangement, la rassure plus que les autres tentatives pour rassurer, disons, plus classique.

La mauvaise nouvelle tombe : le fœtus n’est plus viable et les douleurs qu’elle ressent viennent du fait que son corps rejette ce corps désormais étranger. On lui donne le choix entre laisser le corps faire et l’éjecter seul, sachant que ça peut prendre du temps et parfois même provoquer quelques complications, ou, prendre un médicament, généralement utilisé pour l’avortement, afin de provoquer l’expulsion du fœtus, plus douloureux mais beaucoup plus rapide.

C’est donc complètement meurtri qu’elle choisit l’option 2, car tres pragmatique malgré tout, elle sait que cela ne sert à rien de faire durer les choses.

Manon m’a avoué plus tard qu’elle avait vraiment vécu ça comme un deuil. Manon a aussi beaucoup de mal avec l’échec, quand elle fait quelque chose, elle se donne généralement à fond et fait tout pour réussir, si elle sait qu’elle n’y arrivera pas, en général, elle n’essaie même pas ou ne continue pas. Donc, pour Manon, une femme, qui de facto est conçu pour enfanter, qui n’est pas capable de garder un fœtus en bonne santé dans son corps, pour elle, c’est en plus un échec d’envergure, elle commence à se demander si elle n’a pas d’autres problèmes que ceux auxquels elle fait déjà face…

De mon côté, et j’ai un peu honte de le dire, je le vis comme un soulagement. Je n’étais pas prêt mentalement et physiquement. Je l’ai avoué à Manon quand elle m’a demandé comment je le vivais et ça l’a empêché de me parler de ce qu’elle ressentait, convaincue que je ne la comprendrais pas.

Je regrette tellement d’avoir été honnête sur ce coup, car cette honnêteté était plus égoïste que pragmatique. C’était froid et indélicat étant donné les circonstances.

Le deuil de Manon a duré plusieurs mois et, même si je sentais que quelque chose n’allait pas, j’étais loin de me douter de ce qu’elle traversait. Ce n’est que bien plus tard qu’elle m’a dit comment elle avait vécu les choses et je m’en suis terriblement voulu.

Au bout de quelques mois, apres la durée d’attente suggéré par le gynécologue qui l’avait prise en charge aux urgences, Manon voulait absolument qu’on recommence à essayer d’avoir un enfant… et on est repartie comme la première fois, et je l’ai encore plus mal vécu, car j’étais encore plus mal que la 1ere fois qu’on a essayé en se forçant, et dans ma tête, avoir un enfant conçu de cette manière, ce n’était pas « normal » et je me demandais si ça pouvait avoir des conséquences sur son ressentit à lui, son existence ect… Bref, j’avais pas envie d’être là, de faire ce qu’on était en train de faire ni de le faire comme on le faisait.

Manifestement, c’en était pas moins efficace : à la 2eme tentative, Manon retombe enceinte !

Cette fois-ci, pas de gentil mot comme la 1ere fois, mais une annonce beaucoup plus « classique » : je m’en suis rendu compte car elle avait tous les symptômes d’une femme enceinte.

Verdict apres un test : positif.

Notes

Pour ceux qui connaissent un peu l’histoire de cette période, vous constaterez que j’ai fais pas mal de raccourcit, c’est normal, je ne voulais pas m’étendre particulièrement sur ce moment, je voulais surtout le mentionner car cette étape est importante pour la suite.

Christophe MAUNIER
Généré avec Hugo
Thème Stack conçu par Jimmy